Par Bernard
C’est un concept travaillé par Arthur Koestler (1905-1983) connu comme romancier (Le Zéro et l’infini) et essayiste “the ghost in the machine” traduit en français en 2013 sous le nom “Le cheval dans la locomotive”. Mais il a fait bien d’autres choses dans la vie, dont une “analyse psycho-philosophique des systèmes”.
Ainsi, l’objectif du livre est de traiter de la violence humaine. Koestler cherche à expliquer les racines de cette violence, une des spécificités de l’espèce humaine, partant du constat que nous sommes la seule espèce capable d’autant d’auto-destruction… Il considère une conception globale de l’univers entier, basée sur le concept de holon.
On n’a jamais vu de holons, parce que c’est juste un concept !
Le terme holon est composé de la racine holos (le tout) et de la terminaison « on » comme électron, ion, proton… qui renvoie à la partie.
Un holon, c’est à la fois un tout et la partie d’un tout.
On peut prendre un exemple dans l’échelle de la vie. Je cite :
” Un atome c’est à la fois un tout et une partie d’un tout qui le transcende en les fédérant en une unité plus grande (la molécule) ; une molécule est à la fois un tout et une partie d’un tout qui la transcende, les organites (dans le champ du vivant), et on peut continuer, des organites aux cellules vivantes qui forment des « touts » avec des fonctions et besoins propres (respirer, se nourrir, évacuer les déchets) et des parties de “touts” plus grands, dès lors qu’elles s’associent pour former un organisme pluricellulaire ou un organe par exemple, lui-même partie d’un organisme complexe. Tout cela fonctionne donc avec des niveaux de complexités emboîtés tout au long de l’échelle du vivant. Koestler note que l’émergence efficace et saine d’un niveau supérieur exige que la nouvelle entité super-englobante respecte les propriétés, les besoins, des holons du niveau inférieur qui gardent une marge de manœuvre dans la façon dont ils remplissent les fonctions nécessaires à l’entité englobante. Un pluricellulaire ne peut exister que si les besoins des cellules qui le composent sont parfaitement pris en compte… Sinon, les cellules meurent ou ne se mettent pas au service du fonctionnement du collectif de cellules que constitue le pluricellulaire. Nécrose d’un organe qui ne reçoit pas d’oxygène ou cancer des cellules qui se développent sans volonté de contribuer aux besoins de l’organisme (par exemple)”.
Ce n’est pas simple à priori, mais on peut dire que chaque holon possède deux tendances : la première qui concerne la particularité propre du holon, l’autre est le besoin d’appartenir et s’intégrer au niveau supérieur. On pourrait dire que le holon a une tendance à “l’expression de soi” ou besoin d’exister comme élément unique, mais aussi comme appartenant à un ensemble qu’il contribue à composer.
Ainsi, Koestler dit que « tout est système », que « tout système est partie d’un système plus grand », que « tous les systèmes sont complexes », c’est à dire interdépendants.
Alors, je ne vais pas rentrer dans toute la complexité de son raisonnement, mais ne retenir que quelques éléments, d’une logique implacable, qui en découlent et qui nous concernent.
- Un homme est un “holon tout” composés de “holons parties”, les organes, qui ont une raison d’être, une fonction à remplir, un rôle à jouer, un existence à mener, etc… au sein du “holon tout” qu’ils forment et qui le rendent particulier.
Chaque individu est donc unique. Pour être heureux, il doit pouvoir mener sa vie de façon libre en étant reconnu pour ce qu’il est. - Mais pour exister, il a besoin au moins d’un autre holon comme lui, pour constituer un “holon couple”, un “holon famille”, un groupe, une nation, le monde, l’humanité, l’espèce…
On sait que pour exister l’homme doit rencontrer l’Autre. Et ceci est tellement vrai que quand il est seul (isolé), il souffre de solitude et finit par en mourir. Cette affirmation n’est pas seulement vraie en psychologie et en philosophie, mais c’est aussi une réalité physiologique. Vouloir (et/ou se vanter) “apprivoiser” la solitude est simplement contre-nature. - Un “holon tout” est stable si les “holons parties” sont stables (heureux).
Ainsi, l’état de fonctionnement de l’instance constituée (la famille, le groupe, la nation, l’humanité), dépend de la manière dont chacun tient son rôle au sein de l’entité supérieure auquel il se réfère. On peut dire que la prospérité d’une entreprise n’est pleinement assurée que grâce au fonctionnement heureux de tous ses membres. Si l’un de ses membres est défaillant, l’entreprise peut survivre un temps, jusqu’au remplacement du défaillant. Un turnover plus ou moins important, témoigne alors du dysfonctionnement de l’entreprise qui ne peut plus assurer de façon heureuse ses propres fonctions au sein de l’entité supérieure (la société) à laquelle elle appartient. et ainsi de suite. - L’homme “holon partie” a une raison d’être, des besoins à satisfaire, une fonction à remplir, un rôle à jouer au sein du couple, de la famille, du groupe, de la nation… Ces missions, quoique diverses suivant les niveaux considérés, doivent rester cohérentes avec la raison d’être du niveau ultime.
Ainsi peut-on dire sans se tromper, que les fonctionnements intermédiaires ne peuvent aller à l’encontre de la “survie de l’espèce”, elle-même consécutive à l’équilibre de la nature. On peut en conclure que chaque homme à au moins une mission initiale qui est celle de la conservation de l’espèce.
Il est donc essentiel que chacun puisse connaître et remplir les fonctions pour lesquelles il est destiné.
La connaissance de soi pour devenir ce que nous sommes, et pour faire ce pour quoi nous sommes faits, est donc la recherche prioritaire dans notre vie. - Si le holon peut se décomposer en holons plus petits, il est également observable que la tendance naturelle du holon est de s’agréger à d’autres holons de même nature pour réaliser un holon plus élevé. C’est le besoin de faire des projets, d’être utile, d’appartenir. Cette auto transcendance est sans limites et tend ainsi à occuper tout l’espace disponible. Il n’est donc pas étonnant que des compétitions s’engagent.
Koestler considère que dans l’évolution, le passage de l’étage “individu isolé” à l’étage du “fonctionnement collectif” s’est mal passé. Il y a eu une erreur de projet ou de transcendance, rendant possible l’émergence des égos surdimensionnés de certains de nos leaders, dans l’entreprise ou la société. En face d’eux, des individus souffrent et nient leurs propres besoins, juste pour rester dans l’appartenance au groupe, qui est en fait un “holon perverti”. Oui, un holon perverti, puisqu’il ne tient pas compte de la loi générale de fonctionnement des holons : le respect des besoins des individus qui la composent. On a construit l’étage supérieur en créant des manques chez certains et des excès pour d’autres… et non en répondant aux besoins de tous.
Il faudrait donc déconstruire l’étage transcendant et le reconstruire en respectant les lois générales de fonctionnement qui sont valables pour tous les holons.
Ce mouvement de déconstruction peut rappeler des évènements récents…
Nous avons là, déjà un peu du grain à moudre… et nous ne manquerons pas de créativité pour découvrir ce que cela implique.
En ces temps troublés, où les rapports de forces semblent efficaces pour atteindre le progrès social souhaité, nous pouvons utiliser la théorie des holons, pour vérifier que seule la coopération respectueuse et non violente de composants stables et heureux, peuvent construire un tout prospère et harmonieux.
Il en est de même pour l’écologie… ou la paix dans le monde…
Mais bien avant Koestler, bien des philosophes et autres sages disaient :
“Je ne peux être heureux si l’Autre, mon semblable ne l’est pas”.
“Le bonheur veut tout le monde heureux.”
“Le seul bonheur qu’on a vient du bonheur qu’on donne. ”
“Dans le bonheur d’autrui, je cherche mon bonheur. ”
“Il ne faut pas piétiner sur le bonheur des autres pour arriver à son propre bonheur.”…
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