Le respect de la nature va de pair avec le respect de la nature humaine

par Yann Thibaud

Originellement, l’écologie est la discipline qui étudie le fonctionnement des écosystèmes. Or un écosystème ne peut perdurer que si chaque forme de vie qui le constitue joue son rôle dans cet ensemble complexe ; mais il dégénère et dépérit lorsqu’une espèce sans prédateur (comme l’être humain) l’envahit et s’approprie toutes ses ressources, rompant par-là son fragile équilibre.
L’attitude et le regard écologiques envers le monde se traduisent ainsi par une volonté de connaître et préserver la nature et les multiples espèces qui la peuplent, ainsi que par le respect de sa diversité, sa richesse, son équilibre et sa complexité.

Si l’on veut être cohérent, cette même attitude de respect doit s’appliquer également à l’être humain lui-même. C’est la raison pour laquelle les écologistes le plus souvent mangent bio, ne fument pas et s’abstiennent de s’intoxiquer par des substances ou des médications chimiques.
Le respect de la nature va ainsi de pair avec le respect de soi comme d’autrui : on peut dès lors parler d’écologie personnelle et d’écologie collective, d’écologie du corps (respect de son intégrité), d’écologie de l’esprit (développement de l’autonomie de pensée) et d’écologie psychique (écoute et acceptation de ses émotions, désirs, rêves et intuitions).
L’écologie intérieure peut alors se définir comme la connaissance et le souci de soi, le respect de sa propre nature intérieure, c’est-à-dire de son monde instinctif, affectif, émotionnel et intuitif, si oublié, occulté ou dévalorisé dans la société contemporaine.

Pour réaliser à quel point cette écologie intérieure est importante voire vitale pour l’actuelle humanité, essayons de comprendre les comportements anti-écologiques : pourquoi l’être humain pollue-t-il la planète où il réside, agresse-t-il la nature et maltraite-t-il les animaux ? Que se passe-t-il dans la tête et dans le cœur par exemple, d’un agriculteur qui épand sur ses propres terres, des pesticides hautement toxiques ou encore d’un employé de laboratoire qui torture des animaux, pour des expériences d’un intérêt très contestable ? Comment expliquer ces agissements ?
Les réponses pourront être variées : l’ignorance, le conformisme, l’appât du gain mais surtout la coupure de la sensibilité.
Dès lors qu’il se reconnecte à son cœur et qu’il écoute ses sentiments, l’être humain ne peut plus agir ainsi. C’est parce qu’il a négligé et méprisé la sphère du sentiment, au nom de la toute puissante et sacro-sainte « raison » que l’homme en est arrivé à des comportements dénués de sagesse et d’intelligence véritable.

Ainsi, la sensibilité, le cœur et l’affectivité, loin d’être des tares ou des faiblesses, constituent bien au contraire une sauvegarde, une protection et une garantie à l’encontre des errements et folies de ce monde.
Harmoniser ses émotions, recontacter son intuition, effectuer le voyage initiatique vers son être véritable, tel est le cheminement qui amène à devenir authentiquement humain.
Les émotions qui agitent le cœur et le mental des hommes et des femmes, sont donc aussi importantes que l’air qu’ils respirent ou la nourriture qu’ils ingèrent, car elles déterminent leurs pensées, attitudes, choix et décisions.
C’est pourquoi l’écologie intérieure, personnelle et essentielle, s’avère être la condition, la racine ou la source de l’écologie extérieure, sociale et environnementale.

L’homme contemporain utilise quotidiennement des technologies hautement sophistiquées (téléphone mobile, ordinateur…), voyage en quelques heures à l’autre bout du monde, sait instantanément ce qui se passe à Pékin, New-York ou Buenos Aires, mais ignore le plus souvent ce qui se passe au fond de son propre cœur et comment il fonctionne émotionnellement, occupé du matin au soir par ses multiples activités.
Ainsi le problème auquel l’humanité se trouve aujourd’hui confrontée, est qu’elle a atteint un niveau de développement scientifique et technique bien supérieur à son degré de sagesse, de conscience et de maturité, ce qui se traduit par un usage si souvent inapproprié, dangereux et destructeur de son savoir technologique : fission nucléaire, agriculture chimique, O.G.M., nanotechnologies…
C’est ce décalage entre culture mentale et culture psychique, savoir intellectuel et savoir du cœur, qui se trouve à l’origine de la quasi-totalité de nos difficultés et dysfonctionnements actuels.
L’être humain cherche partout fébrilement des remèdes à la crise, des solutions politiques, économiques, financières ou technologiques, en évitant soigneusement la question de son propre comportement et sans jamais remettre en cause son erreur initiale, qui est de s’être détourné, coupé ou éloigné de lui-même, de son être intérieur, de sa nature ultime.

L’urgence aujourd’hui n’est donc pas de découvrir une nouvelle technologie miraculeuse, ni un prétendu sauveur providentiel, encore moins de consommer toujours davantage pour faire repartir la croissance, mais de combler notre retard ou déficit de croissance intérieure, psychique ou spirituelle ; aussi la véritable solution ne serait-elle pas d’oser suivre la voie des poètes, des enfants et des sages, de cesser d’être superficiel, conventionnel et artificiel, de se tourner vers soi, de redevenir naturel et de laisser renaître le savoir, le pouvoir et le vouloir du cœur ?


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