Le temps s’est arrêté…

Le confinement nous plonge aujourd’hui dans un désordre dont nous ignorons encore la portée. Ce que nous vivons est  exceptionnel et inédit. Nous pouvons laisser partir ce qui était, et attendre avec résignation ce qui vient. Mais on peut aussi anticiper sur ce que nous ne voulons plus et s’arrêter sur ce qui ferait un monde désirable pour demain.

Sans doute avez-vous le souvenir de ce jeu qui a bercé notre enfance. Quand l’animateur criait en se retournant : “1, 2, 3, Soleil” il fallait se figer sur place, ne plus bouger, et attendre qu’il se retourne vers le mur pour avancer à nouveau…
Les plus habiles ou rigoureux bloquaient sur place, d’autres continuaient sur le mode “pas vu pas pris“, d’autres encore faisaient de leur mieux. Certains tombaient, ne réussissant pas à trouver l’équilibre…
Oui, le confinement que nous vivons depuis quelques jours, me rappelle ces moments où la consigne était appliquée avec la désinvolture du jeu. Comme aujourd’hui, c’est un peu les vacances, l’école est fermée, on peut partir à la campagne…

Mais à y voir de plus près, le confinement donne plus l’impression d’un “arrêt sur image” ou d’une gigantesque coupure de courant. Le temps s’est arrêté. Une impression étrange de vacances avant la date, paisible à première vue, contraste avec cette vie trépidante, où le “tout s’accélère” est la norme. C’est un choc : nous étions en plein mouvement et tout s’arrête, figés dans  la position, pour un temps déterminé, reconductible autant que nécessaire…
Aujourd’hui, il ne reste plus que les fonctions de santé, hyper sollicitées pour les besoins du virus et des discussions à propos de ce qu’il aurait fallu faire, et les responsabilités que les commentateurs se disputent aux politiques. Restent aussi ceux qui peuvent télétravailler, et quelques indispensables de bouche ou de transport. Enfin, pour avoir renvoyé tout le monde à la maison, on observe aussi que les masques ne seront pas livrés parce que l’usine qui produit les élastiques est confinée… (c’est une image). Peu à peu les besoins essentiels apparaissent avec une acuité démesurée. Mais on avance en marchant !

Pour tous les autres, Restez à la maison !
C’est le temps et l’espace qui sont confinés. Les plus favorisés, dans une maison avec jardin, les autres en appartements en ville, certains en collectivités, en EHPAD, pour d’autres enfin, il ne restera même pas la rue…
On comprend qu’il en va de la survie de l’espèce, avec plus d’un milliard de confinés à ce jour.
La société toute entière est atomisée en autant de petits “holons” dont la raison d’être se réduit à présent à leur propre survie. Oui, il va falloir survivre jusqu’au retour du courant ! Satisfaire les besoins de base, boire, manger, dormir, en évitant les contacts sociaux dans une promiscuité familiale aussi nécessaire qu’inévitable…
Mais rapidement nous prenons conscience que nous ne pouvons vivre isolés très longtemps. Nous avons besoin de vérifier que les autres existent, ne serait-ce que pour nous sentir exister nous-mêmes. N’avons-nous pas vu des personnes faire la fête de balcon à balcon, ou prenant l’apéritif dans la rue, chacun à distance devant sa porte ? Et il y a ceux que l’on appelle par solidarité, ceux qui ne font pas de bruit et que même les services sociaux parfois oublient. Mais on a aussi évoqué avec émotion de beaux gestes de solidarité, qui nous rappellent que le lien social est l’essentiel de la vie, bien avant les considérations économiques.

Combien de temps serons-nous confinés ? Plusieurs semaines, quelques mois peut-être…
On imagine sans doute qu’il suffira de tourner le bouton pour que la lumière apparaisse et que le monde se remette à tourner.
Nous savons déjà que certaines entreprises auront du mal à repartir, des emplois auront changé de lieu ou de projet.
Entre-temps, cet arrêt sur image aura aussi donné à chacun le temps de mesurer sa vraie raison d’être, d’évaluer les gratifications de son existence, de reconnaître le sens de sa vie et même son envie de recommencer ou non, comme avant.
Dans cette panique de survie où nous avons le sentiment de ne plus servir à rien, où nous peinons à nous sentir vivants, on a du temps pour recenser les valeurs  qui nous donnent envie et celles qui nous contraignent, celles qui nourrissent notre enthousiasme et celles que nous n’accepterons définitivement plus.  Le retour à la normale ne sera pas aisé. Demain ne sera plus comme hier.

Ô temps ! suspends ton vol… disait Lamartine, en évoquant les plus beaux de nos jours… Ceux que nous vivons introduiront, à n’en pas douter, des moments inédits, que nous pourrons choisir pour être utiles aux autres …
Assurément, nous vivons un moment exceptionnel. La fin d’un monde ! D’un côté nous égrainons nos morts sans même pouvoir les accompagner, et de l’autre, nous devons profiter d’être en vie malgré cette “coupure de courant“, bâtir ou rêver d’un nouveau monde et partager ce que nous avons de meilleur.

 


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