Le vivant peut crever

Liane Langenbach

J’ai commencé cette rubrique il y a deux mois en parlant de l’espoir de changement que faisait naître en moi, comme en beaucoup d’autres, la crise du Covid-19 et le confinement.

L’après-confinement, ça y est, on est en plein dedans, et on nous vend du rêve avec des images de ville où il ferait bon se déplacer à vélo, où les entreprises et industries lutteraient contre la crise économique en faisant le choix de devenir plus vertes, où les gens aspireraient à un rythme de vie plus doux, moins effréné et plus riche de sens, et où bien sûr, la nature serait respectée.

Résultat : je crois qu’on s’est un tout petit peu fait avoir par une overdose de communication bisounours, et qu’en fait, la plupart d’entre nous a juste bien envie de recommencer à niquer la planète.

En Chine par exemple, le niveau de pollution post-confinement est remonté en flèche, pour atteindre un niveau plus haut que l’année dernière à la même période. (Source : https://www.ulyces.co/news/apres-le-deconfinement-la-pollution-bat-des-records-en-chine/)

Alors oui, il semblerait que le « jour du dépassement de la Terre », cette fameuse date à laquelle l’humanité a utilisé toutes les ressources dont elle disposait pour l’année, va reculer de 3 semaines cette année (Source : https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/06/05/le-jour-du-depassement-de-la-terre-recule-de-trois-semaines-sous-l-effet-du-covid-19_6041815_3244.html?fbclid=IwAR3V92OWW8VXgXUpsHCK3-ZbRMocnVbpJkv1T2IeMXCpzy7D3559rPelcXk).

Mais bon, 3 semaines de répit alors qu’on a été confinés deux mois, et qu’on jure de tous les côtés que c’est fini, on va arrêter de déconner, on est d’accord que ça ne fait quand même pas beaucoup.

Un peu comme quand ton patron qui devait te passer en CDI t’annonce tout content qu’il a en fait réussi à prolonger ton CDD de 3 mois. Cherchez l’erreur.

Et dans tous les cas, ce jour du dépassement de la Terre, même avec un petit répit de 3 semaines, va quand même gentiment pointer le bout de son nez aux alentours du 22 août. Soit plus de 4 mois avant la fin de l’année, 4 mois pendant lesquels l’humanité va vivre à crédit sur une ardoise déjà pleine à craquer (autant te dire que la gueule de bois va être monumentale).

Ces nouvelles réjouissantes sont assaisonnées d’images de masques jetables que l’on commence déjà à trouver en Mer Méditerranée (Source : https://www.lexpress.fr/actualite/societe/environnement/des-masques-jetables-retrouves-au-fond-de-la-mediterranee_2126765.html).

Chouette, je suis sure que les poissons nous remercient de ces dons pour qu’ils puissent se protéger eux aussi du Covid-19 !

Les bouteilles plastiques et autres merveilles de notre société de consommation n’étaient sans doute pas assez nombreuses à polluer les océans et mettre en danger les espèces marines, pour qu’on se dise qu’on pouvait trouver une nouvelle forme de déchet massif à balancer dedans.

J’ai réalisé l’illustration ci-dessus il y a à peine 2 mois, et à l’époque j’étais loin d’imaginer que j’aurais pu dessiner des masques à la place des bouteilles. Le monde ne cesse de me surprendre.

Tout ça associé au drame de la mort de George Floyd, j’ai vraiment l’impression que plutôt que de célébrer la vie et le renouveau post-crise du Coronavirus, l’humanité a plutôt décidé de faire un doigt d’honneur magistral à la nature et au vivant, humains comme animaux (et je ne te parle même pas des végétaux, car après tout, qui pense vraiment que les végétaux font partie du vivant ?).

Début 2020, j’ai envoyé une carte de vœux que j’avais naïvement intitulée : « 2020 : réenchanter le monde ».

Si j’avais eu le don de seconde vue, j’aurais plutôt écrit : « 2020 : le vivant peut crever ».

Est-ce que ça veut dire pour autant que tous mes espoirs d’évolution de la société sont partis à vau l’eau avec l’eau du bain et quelques masque jetables au passage ?

Et bien non. Il faut croire que le bisounours qui est en moi a tellement de paillettes dans les yeux et dans le cœur que rien ne peut l’empêcher de croire que ça peut s’arranger.

Je continue à guetter les signes de changement, même infimes, et à essayer d’en entrevoir les conséquences heureuses.

Le télétravail semble être en bonne voie de se développer ? Chic, ça fera moins de voitures sur les routes, moins de clim à fond dans les bureaux, moins de papier imprimé parce que c’est pas Jean-Paul qui paye sa photocopie.

Les villes pensent à pérenniser les pistes cyclables temporaires qu’elles ont installées ? Tip top mega cool, ça fera moins d’accidents, moins de pollution et des systèmes cardio-vasculaires décrassés.

Les entreprises et les gouvernements réfléchissent, au moins officiellement, à s’engager vers une économie plus verte ? Ça changera pas le système (i.e le problème), mais les sessions de consultation et les sondages effectués auprès des gens permettront peut-être de faire émerger de vraies solutions et de nouvelles vocations.

Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir… jusqu’à ce que le vivant ait vraiment fini par crever, donc.

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