Le pouvoir de l’amour.

Par Bernard

J’avais terminé mon article précédent par la fameuse citation de Jimi Hendrix :
« Quand le pouvoir de l’amour l’emportera sur l’amour du pouvoir, le monde connaitra la paix« .
En fait, elle illustre bien les deux alternatives possibles : celle qui divise par la compétition et celle qui rassemble dans la coopération.

Celle qui divise, considère que l’individu a réussi dans la vie lorsqu’il est au-dessus des autres, plus riche, plus intelligent, plus important. Plus il y a de personnes qui dépendent de lui, plus il a de pouvoir… La concurrence est féroce, les conflits fréquents, la violence courante et acceptée, notamment dans les affaires et le monde politique.
Naturellement, l’accomplissement de l’homme, dans ce cas, se situe au niveau de l’avoir… de l’argent, du pouvoir…, qui imposent une compétition permanente et le « toujours plus« , laissant l’individu et la société dans une insatisfaction continue et une promesse d’accomplissement qui n’est jamais tenue, précisément en raison de la nécessité de « toujours plus ».
Clairement, une telle situation suit la « loi d’entropie », usuellement assimilée à la notion de « désordre qui ne peut que croître avec le temps ». S’agissant de l’effondrement dont on parle, ce ne serait donc qu’une question de temps.

La deuxième alternative qui rassemble, repose sur le simple constat que l’homme est un être social qui n’existe que parce qu’il y a un Autre qui reconnaît son existence. « Je n’existe que parce qu’il y a quelqu’un d’autre qui me donne des signes que j’existe ».
« Reconnaître » est cette façon de considérer l’Autre « comme soi-même » et de le respecter à ce titre. C’est la communication sous toutes ses formes qui véhicule les « signes de reconnaissances » (Strokes), divers et d’intensités variables, qui procurent (à celui qui les reçoit, mais aussi à celui qui les donne) le sentiment d’exister et l’énergie pour vivre et agir.
On notera que le respect est la forme la plus élémentaire de l’amour. Ainsi, l’homme réussit sa vie lorsqu’il entretient des relations paisibles avec les autres.
Par la connaissance de soi, il prend peu à peu conscience de son humanité et améliore, de ce fait, le regard d’égalité qu’il reconnaît chez l’Autre. Son accomplissement se situe au niveau de l’Être authentique qui se sent exister tel qu’il est. Il en éprouve une paix intérieure et le bonheur de la partager.

Le pouvoir de l’amour est donc d’abord cette possibilité d’atteindre un niveau de contentement qui n’existe pas dans l‘amour du pouvoir.
D’autre part, l’amour-respect favorise une bonne santé physique et mentale. La carence affective induit un mal-être et la dépression. Dans la durée, elle conduit à la mort.
Sans amour il n’y a pas de vie. C’est la « loi d’amour » qui s’oppose à la « loi d’entropie »,
ce qui laisse à penser que le grand effondrement peut être contré, mais sans perdre de temps !

Certes, ces deux modes de vie fonctionnent simultanément, dans des proportions variables, avec ces temps-ci, une priorité pour le mode compétition. Nous y avons été initié dès l’enfance, en famille et à l’école. Le mode coopération, souvent limité au cadre « privé » est peu ou pas pris en compte dans nos sociétés quelles qu’elles soient, démocraties libérales ou non.

La citation de Jimi Hendrix met donc effectivement le doigt sur la prépondérance de ce qui divise, au détriment de ce qui rassemble. Bien que nous n’ayons jamais cultivé autant les notions liées à l’Être et donc à ce qui rassemble, on a en même temps, laissé filer de façon exponentielle ce qui divise. L’insuffisance d’humanité ressentie dans notre monde moderne semble l’emporter, au point que, lorsque le système est en crise, le diagnostic penche toujours du même coté, et rares sont ceux qui en comprennent les ressorts psychologiques qui en sont les véritables causes.

J’en veux pour preuve cette incompréhension que l’on peut évoquer à titre d’exemple dans une situation récente, dont seules les implications politiques ont été analysées, en négligeant totalement les causes psychologiques qui les ont provoquées.

En résumé : nous avons vécu une période socialement troublée qui a donné naissance au mouvement des Gilets Jaunes. Ils ont choisi la couleur fluo pour être vus, reconnus et respectés… Ils revendiquent le partage du pouvoir, la justice sociale et d’être écoutés… Autour des ronds-points, ils disent apprécier leurs relations personnelles quasi familiales, et en même temps, refusent toute organisation du mouvement qui remplacerait leur propre existence par une délégation, aussi représentative soit-elle…
Leurs revendications tournent autour du RIC, une façon d’exister, en étant  individuellement consultés pour contester les décisions qui ne conviendraient pas…
Et on pourrait multiplier les exemples qui confirment que c’est individuellement qu’ils se sentent inexistants, non consultés, périphériques et oubliés de la politique et de la vie sociale.
Et ce n’est pas un effort de 15 milliards du Gouvernement qui a mis fin au mouvement, les Gilets jaunes ne se sentant toujours ni entendus, ni écoutés.
L’argent peut combler un besoin de subsistance, mais c’est leur besoin d’existence  qui n’a pas été entendu.
On a même observé que l’étau s’est un peu desserré avec le Grand débat, versus le Vrai débat, où chacun pouvait faire entendre sa voix. Mais les commentaires politiques l’ont emporté sur cette ouverture « psychologique » jugée peu crédible.
Finalement, le mouvement dure encore et a besoin d’exister encore pour ne pas mourir.
(Cette analyse n’exclue pas d’autres motifs politiques de ces manifestations, qui n’ont pas manqué d’utiliser celui qui est pointé ici)

Les exemples de telles incapacités d’analyse sont fréquents, dans la vie professionnelle, sociale ou politique, parce qu’on néglige ce qui est incontournable.

Exister c’est « avoir une place ».
Permettre à l’Autre d’exister, c’est lui « faire une place », à la maison, dans le couple, au travail, dans la cité, dans la vie.

Voilà qui pourrait résumer une autre façon de regarder le monde. Et si les politiques coopéraient ?
On peut y réfléchir !
On imagine bien comment ce premier geste d’amour-respect pourrait faciliter la transition et permettre d’inventer des formes de vie plus respectueuses de l’être humain, et par voie de conséquence, plus respectueuse de la nature.

Nota : Après A. Maslow, c’est le psychologue franco-américain Claude Steiner qui a mis en évidence le rôle essentiel et même vital, de ces signes de reconnaissance (en anglais « Strokes ») par lesquels un être humain se sent exister.
On trouvera plus de détails sur la nature et l’échange de ces signes dans l’article : « Les « strokes » : ce qui nous donne l’énergie pour vivre et entreprendre ».
J’ajouterai que la lecture d’un livre de Cécile Pardi  « Les semeurs de bonheur » peut être très inspirante pour une pratique heureuse des signes de reconnaissance.

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